Ôgon Bat, le kamishibai de Takeo Nagamatsu
Les biwa-hoshi, joueurs de luth ambulant, les yukar, poèmes du peuple aïnu, les setsuwa, anecdotes fictives et amusantes, ou encore les récits épiques du gunki monogatari. Quand on ajoute des images à ces traditions orales japonaises, on obtient le kamishibai, une création artistique déguisée en spectacle de rue à mi-chemin entre le théâtre et la bande-dessinée.

Si le kamishibai est apparu peu après 1925, il n’a été florissant qu’entre les années 1930 et 1950, et dénombre près de 25000 conteurs (les gaito kamishibai-ya). La raison d’un si grand nombre de conteurs est principalement dû au krash boursier de 1929. Celui-ci n’a pas seulement touché les Etats-Unis, mais de nombreux autres pays dans le monde, dont le Japon. Encore faible à cette époque, l’économie des pays asiatiques dépendent en grande partie des échanges commerciaux avec les pays occidentaux. C’est pourquoi augmenter les charges pour faire du profit parait être la solution idéale pour l’améliorer. Malheureusement, le krash boursier a fait sombrer le Japon dans sa plus grande dépression économique en plus d’une funeste politique de déflation à cause du Rikken Minseitô, le Parti Démocratique Constitutionnel.
Avec un marché du travail bouché et une production au ras du sol, les gens sont en colère et ils ont faim. Pour survivre, certains participent au développement du kashihon, que ce soit pour écrire des nouvelles ou dessiner de la BD. D’autres dessinent des histoires sur des grandes affiches cartonnées qu’ils mettent également en location. Les conteurs de kamishibai les louent pour trois fois rien et s’arment d’un cadre en bois monté sur une bicyclette pour aller raconter les exploits de multiples héros. Pendant cette opération, ils font défiler une vingtaine d’images, ils modifient leur voix et les expressions. Des marionnettes en papier étaient aussi chose courante. Les représentations commence avec le claquement d’un instrument de musique, le hyôshigi. Le son attire les enfants des environs qui s’amassent autour du conteur. Ils pouvent aussi acheter des bonbons et des gâteaux pour obtenir le privilège de se placer tout devant.

Parmi les illustrateurs les plus célèbres, Takeo Nagamatsu est le créateur du premier super-héros japonais : Ôgon Bat. En 1930, Nagamatsu n’a que 18 ans lorsqu’il collabore avec le scénariste Ichirô Suzuki pour créer ce personnage aux allures sinistres de squelette doré. Vêtu d’une cape en rouge et noir et armé d’un sceptre, Ôgon Bat est le défenseur de la justice venu d’Atlantis pour se battre contre le syndicat du crime mené d’une poigne de fer par le Dr. Erich Nazô. Le justicier apparaît d’abord sous la forme d’une chauve-souris, puis il prend la forme d’un squelette tout en riant d’un air démoniaque. Ôgon Bat devient rapidement et extrêmement populaire auprès des jeunes garçons, avec près d’une histoire par jour racontées entre 1931 et 1933.

N’ayant pas de droit, l’histoire et son héros ont été récupérés par de nombreux auteurs. Réadaptée en kamishibai par Kôji Kata à partir de 1932. Adaptées en manga par Osamu Tezuka en 1947, en film par le réalisateur Sonny Chiba en 1966, puis en série d’animation par le studio TCJ en 1967. Takeo Nagamatsu se réapproprie le personnage pour une série de livres illustrés entre 1946 et 1958, comptant 11 histoires publiées dans divers magazines de prépublication tels Shônen Book et Shônen Club.
Avec l’arrivée de la télévision au Japon en 1953, les enfants délaissent peu à peu les spectacles de rue pour les retransmissions sportives, les émissions de variété et les séries de science-fiction, le nez plaqué contre les vitrines.
Vous pouvez découvrir bien plus de détails sur le kamishibai et ses héros en lisant l’ouvrage Manga Kamishibai – Du théâtre papier à la BD japonaise de l’américain Eric P. Nash.
Sources
http://homepage3.nifty.com/kaihokei/Emonogatari.htm
http://ogonbatter.web.fc2.com/list.html
http://delphiessential.comicgenesis.com/Essay.htm
http://www.grips.ac.jp/teacher/oono/hp/lecture_J/lec09.htm
http://www.sf-encyclopedia.com/entry/kamishibai
http://www.waseda.jp/prj-m20th/yamamoto/profile/books/book00_10/content.htm
http://www.timsheppard.co.uk/story/dir/traditions/asiamiddleeast.html
J’ai publié cet article voila bien longtemps (vers 2014 ou 2015, je crois) sur mon ancien blog. J’ai retouché un peu, sans plus, la plupart des images ont disparues entre temps.